Analyses
Composer avec les certitudes des marchés dans un monde incertain
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Global Equity Observer
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février 13, 2025
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Composer avec les certitudes des marchés dans un monde incertain |
Les marchés financiers ont enregistré de très bonnes performances en 2024. L’indice MSCI World a par exemple gagné 19 % en dollars, soit sa cinquième hausse de plus de 15 % sur les six dernières années1. Cette progression n’a toutefois pas été partagée de manière équitable, puisque les « Sept Magnifiques » ont généré près de la moitié de la performance de l’indice mondial, et que le « Seul Magnifique », Nvidia, a généré à lui seul 20 % de sa performance globale. Les divergences géographiques ont également été importantes, les marchés américains (+24 %) ayant surperformé de 20 points l’indice MSCI EAFE (EAFE), qui a grappillé seulement 4 %.2
La hiérarchie des performances de 2024 s’explique essentiellement par la trajectoire des bénéfices. Les bénéfices prévisionnels de l’indice S&P 500 ont augmenté de 12 % au cours de l’année, mais cette tendance a été alimentée par le bond de 38 % des bénéfices du « Seul Magnifique » et par la progression modeste de 6 % de ceux de l’indice « S&P 493 ». Même cette hausse modeste s’est révélée nettement supérieure à la trajectoire des bénéfices de la zone EAFE, qui ont baissé de 2 %. Les actions américaines ont bénéficié à la fois de la vigueur du dollar et de la croissance économique plus soutenue des États-Unis. La croissance du produit intérieur brut (PIB) américain est ressortie à 2,7 % en 2024, alors que les économies allemande et japonaise se sont contractées3. L’écart entre les multiples de valorisation a également été important : celui du marché américain a augmenté de 10 %, à près de 22 fois les bénéfices à terme, tandis que celui de l’indice EAFE n’a progressé que de 3 %, à 13,8 fois, soit une décote record de 36 % par rapport au marché américain.
L’économie américaine reste plus vigoureuse que celle des autres pays développés. Malgré quelques fragilités persistantes, comme la faiblesse des émissions de prêts hypothécaires et des indices PMI (indices des directeurs d’achat) du secteur manufacturier, le taux de croissance du PIB américain - supérieur à plus de 2 % pour 2025 selon les estimations - est deux fois plus élevé que celui de la région EAFE. Toutefois, l’économie américaine pourrait avoir du mal à réserver d’aussi bonnes surprises qu’au cours des deux dernières années, compte tenu du niveau déjà élevé de sa croissance. Selon les analystes les plus optimistes, la baisse de la fiscalité des entreprises, la déréglementation et la promotion des opérations de fusions-&acquisitions pourraient doper la rentabilité des entreprises sous la présidence de Donald Trump. Les politiques de la nouvelle administration pourraient toutefois accroître une inflation encore tenace, qu’il s’agisse de l’impact des droits de douane sur les prix à la consommation ou des expulsions qui accroissent le coût de la main-d’œuvre. La trajectoire des politiques américaines est inhabituellement fluide, avec un manque de visibilité quant aux projets de la nouvelle administration, sans parler de sa capacité à les mettre en œuvre.
Sur le plan économique, le déficit budgétaire américain n’inquiète guère les analystes, alors qu’il atteint un niveau record entre 6 et 7 % du PIB et que l’économie est proche du plein emploi. Pour les adeptes de la macroéconomie, qui mettent en avant l’équation de Kalecki-Levy, la prodigalité budgétaire des États-Unis stimule la rentabilité des entreprises. Plus concrètement, deux scénarios se dessinent : soit le déficit budgétaire américain sera résorbé par les mesures de rationalisation du nouveau Ministère de l’efficacité gouvernementale (DOGE), qui pourraient compenser les pertes liées aux réductions d’impôts mais parallèlement freiner la demande, peser sur la croissance économique et au bout du compte réduire les bénéfices des entreprises. Une autre hypothèse est que le déficit restera très élevé et augmentera encore la dette américaine (actuellement de 36 000 milliards de dollars), ce qui pourrait augmenter les rendements des bons du Trésor à long terme, et même peser sur le « tout puissant » dollar. La hausse de 100 pb du taux des bons du Trésor à 10 ans alors même que la Réserve fédérale américaine a réduit ses taux directeurs de 100 pb est peut-être un signe de mauvais augure.
Notre principale crainte concerne les conditions dans lesquelles la croissance anticipée des bénéfices (15 %) pourrait être atteinte aux États-Unis en 2025. Selon les prévisions, la capacité à atteindre un tel objectif ne dépendra pas des « Sept Magnifiques », mais d’une croissance bénéficiaire plus généralisée, au profit des « 493 autres valeurs », qui pourrait s’établir à 13 %. Puisque les revenus ne devraient augmenter que de 5 %, en phase avec les prévisions de croissance du PIB nominal, cette hausse prévue à deux chiffres des bénéfices par action (BPA) implique une amélioration marquée des marges, qui sont déjà à des niveaux quasi record, même en excluant les « Sept Magnifiques ».
En termes relatifs, la période n’a pas été propice à l’investissement dans des valeurs de capitalisation stables et de grande qualité, en raison d’une part de l’engouement suscité par l’IA générative et d’autre part du niveau élevé de rentabilité des entreprises de moindre qualité. En 2024, nos portefeuilles mondiaux ont dû gérer scrupuleusement les niveaux des multiples de valorisation. Ces portefeuilles, axés sur les valeurs de bonne qualité, ont vu leurs BPA prévisionnels augmenter au même rythme, voire plus rapidement, que celui de l’indice global, mais ils ont fini par sous-performer le MSCI World, en raison d’une moindre hausse de leurs multiples de valorisation. Fort heureusement, nos portefeuilles sont désormais relativement bien positionnés en termes de valorisation, malgré une qualité nettement supérieure et de meilleures perspectives de croissance.
La solidité des chiffres d’affaires laisse augurer une croissance soutenue des bénéfices
Nos portefeuilles semblent également bien positionnés en termes de bénéfices. Ces derniers devraient en effet être beaucoup plus résilients que ceux de l’indice en cas de ralentissement économique grâce au fort pouvoir de fixation des prix et aux revenus récurrents des entreprises en portefeuille, comme nous avons pu le constater lors de la pandémie de COVID, la seule récession de ces 15 dernières années. Et surtout, nos portefeuilles semblent bien placés en valeur absolue et relative, même si l’économie ne fléchit pas. Les prévisions du consensus concernant la croissance du BPA de nos portefeuilles au cours des deux prochaines années semblent réalisables. Les chiffres d’affaires devraient en effet enregistrer une croissance annuelle honorable, grâce aux gains modestes générés par le levier opérationnel, des acquisitions et des rachats d’actions. Ces prévisions semblent beaucoup plus crédibles que la croissance annuelle à deux chiffres des BPA attendue pour l’indice, alors même que la croissance des chiffres d’affaires devrait être beaucoup plus modeste. Cet écart de croissance est inquiétant dans la mesure où les marges sont déjà proches de leurs pics historiques.
L’affirmation selon laquelle « il est très difficile de faire des prévisions, en particulier au sujet de l’avenir » est attribuée à la fois au physicien Niels Bohr, lauréat du prix Nobel, et à Yogi Berra, membre du Hall of Fame du baseball américain. Malgré des parcours professionnels très différents, ils s’accorderaient probablement à dire qu’il est particulièrement difficile de faire des prévisions pour 2025 en raison des incertitudes accrues suscitées par les tensions géopolitiques et les futures politiques américaines, mais aussi des perspectives extrêmement variables concernant l’IA générative. Toutefois, ces incertitudes ne semblent pas perturber les marchés comme en témoignent les valorisations élevées des actions, le niveau modeste du VIX et, surtout, des spreads historiquement bas pour les obligations notées BBB Alors que l’instabilité mondiale suscite une relative indifférence sur les marchés financiers, nous pensons que les clients ont tout à gagner en adoptant une stratégie axée d’une part sur une croissance régulière, générée par une augmentation des chiffres d’affaires et des bénéfices résilients, et d’autre part sur des multiples de valorisation raisonnables.
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Head of International Equity Team
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Managing Director
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