Analyses
L’année 2025 sera-t-elle (enfin) l’année des obligations ?
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Global Fixed Income Bulletin
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janvier 17, 2025
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janvier 17, 2025
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L’année 2025 sera-t-elle (enfin) l’année des obligations ? |
Le mois de décembre a été riche en événements sur le marché obligataire, avec notamment les répercussions du durcissement de ton de la Réserve fédérale américaine (Fed) lors de sa dernière réunion et les tendances d’inflation persistantes mais inférieures aux attentes. Les rendements des emprunts d’État mondiaux ont fortement augmenté dans les pays développés et émergents. Aux États-Unis, le rendement des bons du Trésor à 10 ans a augmenté de 40 points de base (pb), entraînant une pentification marquée de la courbe des taux, l’écart entre les rendements à 2 et 10 ans s’étant creusé de 31 pb.1 La tendance a été similaire en Europe, avec des hausses de de 28 pb et de 33 pb en Allemagne et au Royaume-Uni, respectivement. Les marchés émergents ont également ressenti l’impact, avec une augmentation des rendements de 42 pb au Mexique et de 175 pb au Brésil. Seules la Chine et la Thaïlande ont vu leur rendement à 10 ans baisser au cours du mois (-36 pb et -4 pb, respectivement).
Le dollar américain s’est apprécié tout au long du mois, avec un gain de 2,6 % par rapport à un panier d’autres devises.2 Il a notamment surperformé le dollar néo-zélandais de 5,4 %, le dollar australien de 5 % et le yen japonais de 4,7 %.
Concernant les segments obligataires, le spread de la dette d’entreprise américaine high yield a augmenté de 21 pb, contre seulement +2 pb pour celui des obligations investment grade. À l’inverse, les spreads des obligations européennes high yield se sont resserrés de 22 pb, tandis que ceux des obligations investment grade ont baissé de 6 pb.3 Quant aux spreads du crédit titrisé, ils sont restés globalement stables. Le resserrement des spreads des MBS d’agences a été très modeste.
Dans l’ensemble, le mois de décembre a été marqué par une volatilité et des ajustements importants sur les marchés obligataires et des devises, ouvrant la voie à de nouvelles évolutions en 2025.
Perspectives des marchés obligataires
La volatilité a fait son retour sur les marchés obligataires en décembre et les rendements ont augmenté dans le monde entier. Les spreads de crédit ont également augmenté, mais pas autant que les rendements. A l’inverse, les spreads du crédit titrisé se sont légèrement resserrés. Ce sont les rendements brésiliens qui ont connu l’évolution la plus extrême, avec une hausse de plus de 100 pb en décembre dans le sillage du relèvement de 100 pb du taux directeur par la banque centrale. La performance décevante du mois de décembre a fortement amputé la performance globale de 2024. Sur l’année, l’indice U.S. aggregate bond index a gagné 1,25 % et le global aggregate bond index (couvert en dollars américains) a progressé de 3,4 %, des performances nettement inférieures à celles des liquidités et aux anticipations. La dette d’entreprise high yield est allée à l’encontre de cette tendance grâce à des performances nettement supérieures à celles des liquidités.4
Ce résultat est très inattendu dans la mesure où les banques centrales des pays développés ont fini par entamer leurs cycles d’assouplissement. En fait, depuis que la Fed a commencé à abaisser ses taux en septembre, les rendements des bons du Trésor à 10 ans ont augmenté de quasiment 90 pb. Les données économiques se sont à nouveau détériorées alors que la Fed commençait à se montrer plus optimiste en matière d’inflation mais plus pessimiste quant à la croissance et au chômage. Le taux de chômage américain a d’ailleurs atteint un pic lorsque la Fed a commencé à réduire ses taux. Manque de chance ou mauvaise analyse/prévision ? La réponse à cette question est importante car elle laisse présager les futures tendances.
Les pronostics pour 2025 risquent d’être difficiles à établir avec certitude. Les cinq dernières années nous ont réservé de nombreuses surprises : en 2020, la pandémie a tout bouleversé à la fin du premier trimestre ; en 2021, nous avons assisté à une envolée inattendue de l’inflation, qui s’est révélée tout sauf « transitoire », ce qui a conduit en 2022 au cycle de resserrement monétaire le plus agressif depuis des décennies ; en 2023, des inquiétudes/prévisions de récession sont apparues, mais elles se sont également révélées fausses, mais aussi diamétralement opposées à ce qui s’est réellement passé ; et enfin, en 2024, la situation économique s’est encore améliorée, avec une poursuite de la croissance américaine et des performances spectaculaires sur les marchés actions américains. À quoi faut-il s’attendre en 2025 ?
Le grand jour sera le 20 janvier, date de l’investiture du président élu Donald Trump. Celui-ci a promis toute une série de décisions dès le premier jour de son mandat. Si nous ne connaissons pas l’étendue de ses décisions, nous connaissons son programme politique, qu’il soit mis en œuvre dès le premier jour par le biais de décrets ou progressivement courant 2025 via des initiatives législatives. Dans des messages sur les réseaux sociaux, le nouveau président américain a déjà annoncé de nouveaux droits de douane pour la Chine, le Canada et le Mexique. La portée des accords conclus avec ces pays ou avec le reste du monde demeure incertaine. L’incertitude règne donc en la matière. Le scénario qui se concrétisera dans le domaine commercial sera essentiel pour l’évolution des économies et potentiellement de la politique monétaire. Ce sujet a été abordé par le président de la Fed, Jerome Powell, lors de sa conférence de presse de décembre. Il a notamment déclaré que certains membres du Comité de politique monétaire (FOMC) intégraient déjà leur opinion sur l’impact économique probable des politiques de la nouvelle administration dans leurs perspectives de politique monétaire.
Quelle trajectoire pour la politique monétaire ? Les perspectives de croissance et d’inflation auront un rôle majeur. La plupart des banques centrales des pays développés ont commencé à réduire leurs taux d’intérêt en 2024 ; la Fed et la Banque centrale européenne (BCE) ont réduit leurs taux de 100 pb en raison du repli de l’inflation. Elles ont aussi annoncé de nouvelles baisses de taux en 2025. Cependant, en restant supérieure à l’objectif, l’inflation vient compliquer la donne de la Fed et la BCE. Les phases de baisse ont été sporadiques ces derniers mois et les prix vont sûrement subir des pressions accrues, notamment en raison de la perspective de droits de douane plus élevés. L’année dernière, le marché avait anticipé un nombre excessif de baisses de taux. Les choses seront-elles différentes en 2025 ? Les prévisions des marchés et des banques centrales sont beaucoup plus en phase aujourd’hui qu’elles ne l’étaient ces dernières années, ce qui n’est pas rien. Toutefois, compte tenu de la reprise probable de la croissance économique en dehors des États-Unis et de la résilience persistante de l’économie américaine (sous l’effet des solides dépenses des ménages et de la confiance accrue des entreprises), les perspectives de baisse des taux sont incertaines. La politique monétaire est-elle restrictive ? Les performances des actions, les prix de l’immobilier ainsi que la résilience de la croissance et de l’inflation semblent indiquer le contraire. De plus, nous savons que les politiques américaines en matière de commerce, de fiscalité, d’immigration et de réglementation vont évoluer en 2025. L’ampleur de ces évolutions reste inconnue, tout comme les réponses des autres pays. Ce qui complique sérieusement toute prévision de baisse de taux à l’échelle mondiale en 2025.
Il est tout à fait possible que les rendements actuels sur les marchés développés soient proches de leur juste valeur. Si la Fed et la BCE ne réduisent pas leurs taux d’au moins 50 pb supplémentaires en 2025, les obligations auront du mal à rebondir. Comme les politiques budgétaires devraient rester accommodantes dans le monde entier et l’inflation devrait être persistante (même si elle continue à baisser), la prime à terme des obligations pourrait continuer à augmenter. En effet, si les rendements obligataires ont augmenté en décembre, c’est surtout en raison de l’augmentation des primes de risque des emprunts d’État à plus longue échéance. Les primes de risque restent toutefois inférieures à leurs moyennes à long terme mais sont encore susceptibles d’augmenter. Le calendrier et l’ampleur de cette hausse demeurent incertains. Les rendements des bons du Trésor américain pourraient très bien se maintenir entre 4 % et 5 % en 2025, ce qui serait une très bonne nouvelle après les performances médiocres de 2024.
Les marchés obligataires des autres pays développés semblent mieux positionnés que celui des bons du Trésor, mais leur potentiel pourrait être limité car les nombreuses difficultés auxquelles sont confrontées les États-Unis touchent également d’autres pays. Par exemple, les emprunts d’État allemands et canadiens ont nettement surperformé les bons du Trésor américain en 2024. Nous pensons que ces marchés bénéficieront probablement de solides facteurs de soutien en 2025. Le marché des Gilts britanniques reste selon nous intéressant. Il semble en effet présenter des perspectives de croissance (modestes) similaires à celles de la zone euro, mais avec des rendements et des taux directeurs plus proches de ceux des États-Unis, ce qui pourrait offrir des opportunités en 2025. Les obligations vont-elles enfin enregistrer des performances élevées en 2005 (en dehors des obligations high yield) ?
Les rendements des bons du Trésor à long terme sont plus élevés aujourd’hui qu’au début de l’année 2024. De plus, si les rendements augmentent, le rendement initial excédentaire compensera en partie cette hausse. Nous continuons à penser que les obligations peuvent faire mieux que les liquidités en 2025, mais il faudra pour cela que les banques centrales continuent à baisser les taux d’intérêt. Bien que ce scénario semble probable, les tendances récentes de la croissance et de l’inflation (et la mise en œuvre des politiques de Donald Trump) ont renforcé la probabilité d’une absence de baisse des taux en 2025. En revanche, nous pensons que les performances obligataires absolues seront probablement plus élevées qu’en 2024, du moins pour les obligations investment grade. Alors que le rendement de l’indice américain des obligations high yield est proche de 7 %, il lui sera difficile, mais pas impossible, d’atteindre la barre de 8 % ou plus en 2025. Au bout du compte, nous pensons qu’une surexposition au risque de duration n’est toujours pas une option particulièrement intéressante. Si les marchés sont dans une meilleure configuration qu’en 2024 en ce qui concerne les anticipations de politique monétaire et les prévisions économiques (pas de récession anticipée, pas d’augmentation marquée des taux de chômage attendue, regain de croissance en dehors des États-Unis et maintien des mesures de relance en Chine), la croissance et l’inflation pourraient ressortir à des niveaux plus élevés que prévu.
Les marchés du crédit devraient continuer à évoluer sur une trajectoire favorable. Ils devraient bénéficier du niveau élevé des rendements absolus, de la vigueur des données économiques américaines, des fondamentaux solides des entreprises, du soutien des politiques des banques centrales et des anticipations de nouvelles baisses de taux. Les politiques de Donald Trump et du parti républicain (déréglementation/baisses d’impôts) devraient également lui être bénéfiques. Toutefois, l’impact à plus long terme des politiques de la nouvelle administration est moins évident. La multiplication des opportunités et une plus grande marge de manœuvre sur le plan réglementaire entraînent souvent des comportements plus risqués et un endettement accru, ce qui n’est généralement pas favorable aux créanciers. Avec des spreads déjà assez serrés (onéreux par rapport aux niveaux historiques sans pour autant être surévalués), il sera difficile au crédit de surperformer de manière significative. Nous sommes plus confiants vis-à-vis de la performance absolue que de la performance relative par rapport à d’autres segments de marché ou classes d’actifs. Une stratégie très sélective associant l’analyse des fondamentaux, des facteurs techniques et des valorisations, nous semble appropriée. Nous nous efforçons d’éviter les entreprises et les secteurs à risque en raison de sous-performances individuelles, de problématiques à long terme ou d’une agressivité accrue de la part des équipes de direction. Parallèlement, nous cherchons à accroître le rendement du portefeuille autant que possible, mais sans sacrifier la performance (sous l’effet de pertes de crédit ou d’un élargissement des spreads), et sans prendre de risques excessifs. Compte tenu de leurs niveaux actuels, il est peu probable que les spreads se resserrent de manière prononcée, même si ce n’est pas impossible, grâce à la solidité des fondamentaux macroéconomiques et sectoriels. Nous continuons à identifier des opportunités plus intéressantes sur des émetteurs américains et des banques européennes émettant des titres libellés en euros.
Au risque de nous répéter, nous continuons à identifier les meilleures opportunités sur le segment du crédit titrisé, qu’il soit émis ou non par des agences. Face au bruit et aux incertitudes actuels, nous pensons que ce segment de marché a toutes les chances d’enregistrer des performances solides. Les ménages américains bénéficiant d’une bonne notation de crédit présentent des situations financières solides, ce qui devrait continuer à soutenir le crédit à la consommation et les autres types de crédit, d’autant plus que les prix de l’immobilier restent bien orientés et que le taux de chômage demeure faible. L’évolution de la politique fiscale américaine devrait également s’avérer favorable. Concernant les émissions d’agences, les titres à coupon élevé restent plus attractifs que les obligations d’entreprises investment grade et les autres titres à coupon d’agences, et ils devraient selon nous surperformer les bons du Trésor américain. Certains titres adossés à des actifs (ABS) et titres adossés à des créances hypothécaires commerciales (CMBS) restent également attractifs, même si la sélectivité s’impose à l’égard du segment des titres adossés à de l’immobilier commercial de bureaux.
Les investisseurs vont probablement rester à l’écart des obligations des marchés émergents lors des premiers mois du gouvernement Trump. L’accélération de la croissance américaine, des taux durablement plus élevés et une détérioration des échanges commerciaux mondiaux ne sont généralement pas propices aux performances des marchés émergents. Cela dit, nous pensons que les pays dotés de perspectives économiques prometteuses, d’une croissance décente, d’une inflation en baisse, de taux réels élevés et d’une banque centrale capable et désireuse de réduire les taux d’intérêt - malgré la réorientation des politiques américaines - sont susceptibles d’enregistrer de bonnes performances. La sélection individuelle des pays et des titres reste essentielle. Nous évitons encore les obligations brésiliennes car les risques budgétaires et monétaires ne sont toujours pas résolus. En effet, la banque centrale brésilienne ne cesse de relever les taux, mais sans effet positif pour l’instant. Nous pensons néanmoins que les obligations locales brésiliennes deviendront plus attractives courant 2025. Certains des pays à haut rendement ayant des liens commerciaux plus faibles avec les États-Unis, comme l’Égypte, sont susceptibles de tirer leur épingle du jeu.
Sur les marchés des changes, le dollar reste solide et cela ne devrait pas changer à court terme. Bien qu’il semble surévalué par rapport à ses niveaux historiques, le dollar bénéficie toujours de puissants facteurs de soutien et la plupart des autres devises semblent nettement moins bien orientées. L’assouplissement de la politique budgétaire, le resserrement de la politique monétaire (par rapport aux anticipations précédentes), les guerres commerciales et l’accélération de la croissance américaine sont de bon augure pour la devise américaine. Une détérioration du marché du travail américain pourrait cependant constituer un sérieux bémol pour la trajectoire du dollar. Un tel scénario pourrait en effet inciter la Fed à baisser ses taux de manière plus agressive conformément à son double mandat. L’économie américaine bénéficie d’excellents fondamentaux, qu’il s’agisse de sa trajectoire de croissance, de la productivité, des bénéfices et du niveau des rendements. Les autres pays auront du mal à offrir un soutien à leurs devises aussi fort que celui dont bénéficie le dollar américain, en particulier avec une administration républicaine qui entend mettre en œuvre des droits de douane plus élevés. Pour que le dollar se déprécie, il faudrait que les États-Unis subissent un choc violent. Mais avec le déploiement imminent de nouveaux droits de douane, cela semble peu probable. Il est selon nous judicieux de ne pas sous-pondérer le dollar américain par rapport aux autres devises des marchés développés. Cela dit, il n’est pas inintéressant de prendre des positions sur certaines devises des pays émergents en faisant preuve d’une grande sélectivité.
Taux et devises des marchés développés
Analyse mensuelle
Les taux d’intérêt ont augmenté dans les pays développés en décembre et les courbes de taux ont continué à se pentifier, malgré des données sur l’inflation et le marché du travail largement conformes aux attentes. Cette correction des prix s’explique par le durcissement de ton plus marqué que prévu du Comité de politique monétaire (FOMC), qui a pourtant abaissé les taux de 25 pb conformément aux anticipations. Les estimations officielles de la trajectoire des taux et du taux neutre à long terme ont été révisées en forte hausse lors de la présentation de la Synthèse des projections économiques, et le président de la Fed Jerome Powell a prononcé un discours relativement ferme lors de la conférence de presse. Les obligations à plus longue échéance ont sous-performé les titres à court terme, sous l’effet de l’augmentation de la prime de terme.
En zone euro, les statistiques économiques se sont quelque peu stabilisées après la détérioration subie en novembre. Alors que le sentiment des professionnels des secteurs manufacturiers allemand et français s’est encore dégradé, l’indice PMI des services de la zone euro est revenu en zone d’expansion. La Banque centrale européenne (BCE) a encore réduit son taux directeur de 25 pb lors de sa réunion de décembre, tout en précisant que la croissance était encore soumise à des risques baissiers.
Sur les marchés des changes, le dollar américain a continué à gagner du terrain face à toutes les autres devises du G10 en décembre. L’accélération de la croissance américaine et la fermeté de la Fed ont en effet entraîné un nouvel élargissement des écarts de taux entre les États-Unis et les autres pays. L’indice du dollar a atteint des niveaux inégalés depuis 2022, les marchés commençant à intégrer les perspectives du commerce mondial sous la future administration Trump. Les devises australienne et néo-zélandaise ont été les plus malmenées, de même que le yen japonais, qui a pâti de l’attitude plus conciliante que prévu lors de la Banque du Japon lors de sa réunion de décembre.
Perspectives
Nous sommes neutres en matière de duration dans les pays développés, à l’exception du Japon, et conservons des positions en anticipation d’une pentification des courbes de taux, en particulier par rapport aux États-Unis. Nous continuons à sous-pondérer la duration aux États-Unis par rapport à celle du Royaume-Uni et de la Nouvelle-Zélande. Les anticipations de la Fed et les valorisations des bons du Trésor semblent plus raisonnables après la dernière correction, mais la croissance économique américaine reste vigoureuse et les pressions inflationnistes - en particulier dans le secteur des services - demeurent importantes. Nous restons également sous-exposés aux emprunts d’État japonais et conservons une position long sur l’inflation japonaise. Nous pensons en effet que l’inflation est structurellement plus élevée et qu’elle incitera la Banque du Japon à relever ses taux à un niveau plus élevé que ce que le marché anticipe actuellement. Nous restons optimistes à l’égard des dollars australien et américain par rapport au dollar canadien, et privilégions le yen par rapport à l’euro.
Taux et devises des marchés émergents
Analyse mensuelle
Les marchés de la dette émergente ont déçu car les devises émergentes se sont globalement dépréciées et la remontée des rendements des bons du Trésor américain a pesé sur les émissions souveraines et de dette d’entreprise. Les investisseurs du monde entier ont surveillé de près l’élection présidentielle américaine. Après la première baisse des taux de la Fed en septembre, l’approche des élections a suscité de nombreuses incertitudes et entraîné une hausse des rendements des bons du Trésor américain et une appréciation du dollar. La victoire de Donald Trump à l’élection s’est traduite par une volatilité accrue et, bien qu’elle ait réduit ses taux lors de sa réunion de décembre, le ton moins accommodant de la Fed à l’issue de la réunion a retenu l’attention des investisseurs et les taux ont continué à augmenter, parallèlement au dollar américain. Au Moyen-Orient, les incertitudes géopolitiques ont augmenté en raison de la chute du régime de Bachar al-Assad en Syrie, après quatre décennies de règne. Cet événement est en partie la conséquence de l’affaiblissement de l’Iran. Les alliances et les centres de pouvoir dans la région pourraient également évoluer en raison de la guerre en cours dans la région. Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a brièvement imposé la loi martiale pour « protéger le pays des forces anti-étatiques », probablement en raison de ses difficultés politiques et de sa perte d’influence après la victoire de l’opposition aux élections législatives en début d’année. Le président Yoon et le président par intérim Han Duck-soo ont tous deux été destitués par le Parlement, ce qui a engendré une grande incertitude politique. La Cour constitutionnelle doit encore se prononcer sur le caractère légal du processus de destitution.
Les contributions des indices sous-jacents de la dette émergente ont été négatives. L’indice de la dette d’entreprises des pays émergents est celui qui a le moins reculé en raison de la compression des spreads, mais sa performance a souffert de la remontée des rendements des bons du Trésor américain. Les spreads de l’indice de la dette émergente souveraine libellée en dollar ont également diminué, mais dans une moindre mesure que ceux de la dette d’entreprises. Toutefois, l’évolution des rendements des bons du Trésor s’est également révélée défavorable. Enfin, c’est le segment en devise locale de la classe d’actifs qui a le plus souffert de la dépréciation des devises mais aussi de la hausse des taux locaux, moins marquée toutefois que celle des rendements des bons du Trésor. La décollecte s’est poursuivie avec environ -15,8 milliards de dollars de sorties nettes pour les fonds dédiés à la dette émergente au niveau mondial au cours du trimestre, dont -11,6 milliards de dollars pour les fonds en devises fortes et -4,2 milliards de dollars pour les fonds en devises locales.
Perspectives
La Fed a abaissé ses taux lors de sa réunion de décembre, une décision largement attendue. Elle a toutefois durci le ton et réduit le nombre de baisses anticipées en 2025 par rapport aux prévisions d’il y a quelques mois. Les banques centrales des pays émergents vont continuer à surveiller les décisions de la Fed afin de mieux s’adapter aux futures baisses de taux. L’écart des rendements réels s’est creusé entre les pays émergents et les pays développés en raison de la diminution du nombre de baisses de taux dans les pays émergents, tandis que les cycles d’assouplissement se sont poursuivis dans les pays développés. L’inflation a encore baissé dans les pays émergents, mais à un rythme plus lent, et le marché reste prudent dans l’attente de l’annonce de politiques à l’échelle mondiale susceptibles de déclencher une remontée des prix. Malgré la décorrélation habituelle entre la politique américaine et les pays émergents, les politiques qui seront déployées pourraient avoir des répercussions négatives. Avec l’entrée en fonction de la prochaine administration, la politique étrangère et la politique commerciale vont être clarifiées et nous suivrons de près leur impact probable sur chaque pays. Les tensions géopolitiques ont augmenté au cours du trimestre. La chute du régime de Bachar al-Assad et l’extension du conflit au-delà de la guerre entre Israël et le Hamas pourraient faire évoluer les centres d’influence et les alliances dans la région. Compte tenu des incertitudes entourant la conjoncture macroéconomique, nous cherchons toujours à faire la distinction entre les différents pays et les obligations émises afin d’identifier des sources de création de valeur.
Obligations d’entreprises
Analyse mensuelle
En décembre, les spreads des obligations investment grade se sont resserrés, sous l’effet de puissants facteurs techniques, tandis que les rendements des emprunts d’État ont augmenté. La BCE et la Fed ont toutes deux réduit leurs taux d’intérêt de 25 pb. L’institut d’émission européen a cherché à soutenir la croissance économique, tandis que son homologue américaine entend désormais adopter une approche plus prudente. En France, le gouvernement de Michel Barnier est tombé après le premier vote de censure depuis 1962 dans le pays. Alors que le mois s’est révélé plutôt calme en termes d’actualité des entreprises, des rumeurs de fusion entre Honda et Nissan sont apparues, entraînant un resserrement marqué des spreads de crédit de Nissan. Par ailleurs, le document intitulé « Final Determinations » publié par le régulateur des compagnies des eaux britanniques (OFWAT) a été jugé globalement positif pour le secteur de l’eau britannique, toujours en difficulté. Les émissions primaires ont été faibles pour la saison et sont ressorties au milieu de la fourchette attendue, à 5 milliards d’euros. La collecte de la classe d’actifs est restée vigoureuse, les investisseurs appréciant toujours le rendement global offert par le crédit IG.
Les marchés américain et mondial du high yield ont vu leurs performances baisser en décembre, dans un contexte marqué par un élargissement modeste des spreads et une forte hausse des rendements des bons du Trésor. Avec l’augmentation des taux de base et l’élargissement des spreads, le rendement moyen des obligations high yield américaines a atteint son plus haut niveau sur quatre mois en fin d’année.5 Les segments de moindre qualité ont encore globalement surperformé sur le mois, tandis que le segment BB, de meilleure qualité et de plus longue duration, a sous-performé en raison de la hausse des rendements des bons du Trésor. Enfin, les défauts et les échanges de titres en difficulté (distressed debt) ont été importants en décembre sur le segment du crédit à effet de levier. Toutefois, la majeure partie du volume a été attribuable à un seule entreprise (un fournisseur de médias grand public).
Les obligations convertibles mondiales ont corrigé dans le sillage d’autres actifs risqués en décembre. La baisse des taux directeurs de la Réserve fédérale en décembre était largement anticipée. Cependant, les détails du communiqué de presse ont fait état d’un durcissement de ton, ce qui a entraîné une baisse des marchés actions américains et une hausse des rendements des bons du Trésor. Les obligations convertibles mondiales ont finalement surperformé les actions et les obligations mondiales au cours du mois. Les nouvelles émissions ont de nouveau été solides en décembre, avec une contribution très importante du marché américain. De nouveaux émetteurs liés aux cryptomonnaies ont encore intégré la classe d’actifs au cours du mois. Au total, 12,0 milliards de dollars ont été émis en décembre, ce qui porte le total des émissions à 119 milliards de dollars en 2024.
Perspectives
Notre scénario central reste optimiste vis-à-vis du crédit et repose sur l’anticipation d’un « soft landing », des politiques budgétaires sources de croissance, d’emplois et de consommation, et des fondamentaux d’entreprise solides. En outre, les entreprises ont tendance à adopter des stratégies globalement assez peu risquées. Le niveau gérable des émissions nettes et la quête effrénée de « rendement global » sur le segment du crédit IG devraient imprimer une dynamique technique positive. Au vu des spreads de crédit, le marché semble offrir un potentiel de valorisation, mais le portage est bel et bien le principal moteur de performance, avec des gains potentiels supplémentaires grâce à l’allocation sectorielle et, de plus en plus, à la sélection de titres. Toutefois, compte tenu des incertitudes à moyen terme, nous ne parions pas sur un resserrement important des spreads.
En ce début d’année 2025, nous avons une opinion relativement équilibrée à l’égard du marché high yield. Au-delà des épisodes de volatilité que nous anticipons, nous avons conscience que les rendements restent attractifs d’un point de vue historique. Néanmoins, compte tenu des spreads, les valorisations du marché high yield sont élevées et la classe d’actifs n’a pas le droit à l’erreur. Notre conclusion est le fruit d’une analyse approfondie de plusieurs facteurs : l’évolution des politiques monétaires mondiales, la croissance économique américaine et mondiale, la santé de la consommation, les fondamentaux des émetteurs high yield, les facteurs techniques et les valorisations. Nous pensons qu’en moyenne le rendement rémunère correctement le risque de crédit sous-jacent, mais qu’une exposition aux titres de moins bonne qualité ne sera pas correctement récompensée.
Nous restons optimistes à l’égard du marché mondial des obligations convertibles en ce début d’année 2025. Les facteurs techniques sont solides. En effet, les obligations convertibles ont conservé un profil équilibré, les taux d’intérêt restent relativement élevés, les valorisations des actions ont augmenté en 2024 et les entreprises ont toujours autant de besoins de financement. Après une année 2024 prolifique en matière de nouvelles émissions d’obligations convertibles, nous pensons que cette tendance va se poursuivre dans le sillage des baisses de taux des banques centrales et sous l’effet de l’arrivée à maturité des obligations émises pendant la crise sanitaire. Enfin, des épisodes de volatilité devraient se produire en 2025 avec des tensions géopolitiques et régionales persistantes, alors que les marchés cherchent à décrypter les politiques de la future administration américaine.
Titrisation
Analyse mensuelle
En décembre, les spreads des MBS d’agences américaines se sont resserrés de 3 pb et sont maintenant plus élevés d’environ 4 pb depuis le début de l’année, à +135 pb, par rapport aux bons du Trésor américain. Compte tenu du resserrement important des spreads sur d’autres segments du crédit, les MBS d’agences restent l’un des seuls segments obligataires affichant des valorisations attractives. Les avoirs en MBS de la Fed ont diminué de 3,5 milliards de dollars en décembre, à 2 237 milliards de dollars. Ils ont diminué de 459 milliards de dollars par rapport à leur pic de 2022. Après une longue période marquée par des augmentations mensuelles, les avoirs des banques américaines en MBS ont légèrement diminué de 7 milliards de dollars, 2 643 milliards de dollars en décembre. Ils sont donc en baisse d’environ 329 milliards de dollars depuis le début 2022. Les spreads de crédit titrisés sont restés globalement stables en décembre. Les émissions titrisées sont restées modestes en décembre en raison des fêtes de fin d’année et de nombreux émetteurs ont préféré entrer sur le marché avant les élections. Cette offre a été bien absorbée et a bénéficié d’une demande dynamique. Depuis le début de l’année, le crédit titrisé surperforme la plupart des autres segments de marché présentant une qualité de crédit comparable, en raison du portage des flux de trésorerie et d’une duration plus courte en termes de taux d’intérêt.
Perspectives
Nous anticipons un resserrement des spreads des MBS des agences américaines qui, grâce à leur profil attractif, devraient attirer des investisseurs exposés aux liquidités et à leurs différentes alternatives. Nous pensons également que les spreads du crédit titrisé vont se resserrer dans le sillage de ceux des MBS d’agences. Les segments du crédit titrisé ont été parmi les plus performants en 2024 et cette tendance devrait selon nous se poursuivre en 2025. Les performances viendront essentiellement du portage des flux de trésorerie dans les mois à venir, en raison du niveau plus élevé des rendements en ce début d’année, mais aussi du resserrement des spreads sous l’effet de l’augmentation de la demande. Nous continuons de penser que les niveaux actuels des taux d’intérêt demeurent élevés pour de nombreux emprunteurs et vont continuer de pénaliser les bilans des ménages, ce qui engendrera des tensions sur certains ABS du secteur de la consommation, notamment ceux impliquant des emprunteurs à faibles revenus. L’immobilier commercial reste également confronté à des difficultés en raison des taux de financement actuels. Le crédit hypothécaire résidentiel demeure notre secteur de prédilection à l’heure actuelle et c’est le seul secteur où nous n’hésitons pas à investir dans l’ensemble du spectre du crédit, tandis que nous restons plus prudents vis-à-vis des ABS et des CMBS moins bien notés. Nous restons optimistes concernant les valorisations des MBS d’agences qui sont attractives par rapport aux spreads des obligations d’entreprises investment grade et par rapport à leurs nouveaux historiques.