Analyses
Vous N’avez Encore Rien Vu… L’Histoire en Marche
|
Global Fixed Income Bulletin
|
• |
mars 19, 2025
|
mars 19, 2025
|
Vous N’avez Encore Rien Vu… L’Histoire en Marche |
Il n’aura pas fallu longtemps au président Donald Trump et à ses nouveaux collaborateurs pour commencer à apporter des changements politiques radicaux qui pourraient remodeler l’économie mondiale pour les années à venir. Tout au long du mois, les investisseurs obligataires ont bénéficié de la baisse des rendements des obligations d’État mondiales, avec une baisse de 33 points de base (pb) du rendement des bons du Trésor américain à 10 ans. L’Allemagne a également enregistré une baisse de 5 pb, tandis que le Canada et l’Australie ont tous deux connu des baisses de 17 pb. Le Mexique a affiché la plus forte baisse de son rendement à 10 ans, qui a chuté de 60 pb dans un contexte de tensions commerciales croissantes avec les États-Unis. À l’inverse, le rendement à 10 ans du Japon a augmenté de 13 pb, ce qui en fait l’une des rares économies à avoir vu une hausse de son rendement au cours du mois. Aux États-Unis, le segment 2-10 ans de la courbe des taux s’est aplati de 12 pb, tandis que le segment 10-30 ans s’est repentifié de 3 pb.
Le dollar américain s’est affaibli par rapport à un panier de devises, chutant notamment de 3 % par rapport au yen japonais et à la couronne suédoise et de 1,5 % par rapport au livre sterling. Les devises émergentes ont enregistré des performances contrastées.
Sur les marchés du crédit, les obligations d’entreprises européennes ont surperformé leurs homologues américaines. Les spreads du High Yield européen se sont resserrés de 10 pb, tandis que les spreads du High Yield américain se sont élargis de 19 pb en moyenne. Les spreads du crédit Investment Grade américain se sont également élargis de 8 pb, tandis que ceux du crédit Investment Grade européen sont restés globalement stables. Malgré une offre abondante, les spreads du crédit titrisé ont continué de se resserrer tout au long du mois de février, et les spreads des MBS d’agences se sont également contractés.
Perspectives des marchés obligataires
Par où commencer ? Les choses changent rapidement et restent particulièrement instables. Compte tenu de l’ampleur et de la profondeur des changements, nous pourrions être en train d’assister à un événement historique. Que ce soit pour le meilleur ou pour le pire, nous l’ignorons encore. Quoiqu’il en soit, le paysage mondial évolue rapidement.
L’ampleur des changements de politique auxquels nous venons d’assister jusqu’à présent est sans précédent. En un peu plus d’un mois depuis son investiture, Donald Trump a signé une avalanche de décrets sur le commerce, la politique étrangère, l’immigration, la fonction publique, la fiscalité, la politique sociale et environnementale. Aussi bien le rythme que l’orientation de ce déluge sont sans précédent dans l’histoire moderne de l’après-guerre. En l’espace de deux jours, Donald Trump a notamment annoncé la suspension de l’aide militaire à l’Ukraine, s’est rangé du côté de la Russie lors d’un vote des Nations Unies sur des résolutions relatives à l’Ukraine et a annoncé des droits de douane de 25 % pour le Canada et le Mexique. Les réactions provoquées par ces décisions dans le reste du monde sont elles aussi inédites. La décision de suspendre l’aide à l’Ukraine a ainsi déclenché le plus grand changement dans la politique budgétaire allemande depuis la réunification, ainsi qu’un plan de dépenses lié à la défense de 800 milliards d’euros proposé par la Commission européenne. Se référant aux propos de l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, lors de la crise de la dette souveraine de 2012, le futur chancelier allemand, Friedrich Merz, a fait le serment de défendre l’Europe « quoi qu’il en coûte », à l’heure où il tente de former une coalition pour rompre avec 50 ans de rigueur budgétaire allemande.
Cela crée une volatilité sur les marchés financiers inégalée en dehors de crises exogènes comme la pandémie de Covid-19 ou la crise financière mondiale de 2008. Ainsi, le 3 mars, les actions allemandes ont connu leur journée la plus favorable depuis fin 2022. Le lendemain, elles ont connu leur pire journée depuis 2022. On pourrait multiplier les exemples, mais l’essentiel à retenir est que lorsque le pays le plus puissant du monde décide de modifier, voire bouleverser le commerce mondial, les équilibres géopolitiques et la politique budgétaire d’un seul coup, cela n’est pas sans conséquences et c’est ce que nous observons aujourd’hui sur les marchés. Les investisseurs font face à une incertitude inédite quant aux répercussions à court et long terme sur l’économie américaine et mondiale, mais aussi sur la structure politique mondiale et le prix des actifs.
Cela signifie que le consensus initial post-investiture selon lequel les politiques de Donald Trump renforceraient les performances économiques « exceptionnelles » des États-Unis a été ébranlé. L’hypothèse selon laquelle ses politiques les plus agressives seraient contrecarrées par un « S&P put» ne semble pas se vérifier. Sa volonté de mettre en place des droits de douane élevés semble fondée sur deux raisons : premièrement, augmenter les recettes à un coût relativement faible (ce qui est très discutable), et deuxièmement, réorganiser le commerce mondial en réduisant l’important déficit commercial américain, dans la mesure où les économies excédentaires (à savoir la Chine et l’Union européenne) restent catégoriquement opposées à une relance de leurs économies. Alors que les marchés savaient, grâce au premier mandat de Donald Trump et à sa rhétorique de campagne de 2024, qu’il était favorable aux droits de douane en tant qu’outil politique, ou du moins en tant que menace pour atteindre d’autres objectifs, ceux-ci ne croyaient globalement pas qu’il les imposerait dans la mesure annoncée jusqu’à présent, compte tenu des risques de ralentissement de la croissance américaine et de la baisse des prix des actifs. En effet, le risque d’une guerre commerciale majeure, associé à des droits de douane relativement élevés et à la volonté apparemment implacable de l’administration de réduire le poids de l’État fédéral, a provoqué un ralentissement de l’économie américaine et une chute des actions au cours des premiers mois de l’année. Le ralentissement de l’économie américaine au premier trimestre, avant même que les tensions commerciales ne s’aggravent, a suscité des interrogations légitimes sur la santé réelle de l’économie. S’agit-il d’un ralentissement temporaire, dû à des événements ponctuels tels que les incendies de forêt, la vague de froid et la hausse des importations pour anticiper les droits de douane ? Ou s’agit-il d’un ralentissement plus profond et durable, dans un contexte où la baisse des actions américaines inquiète les consommateurs, où les entreprises reportent leurs dépenses d’investissement et où la politique budgétaire américaine se durcit, du moins en 2025 ? Pour l’instant, nous considérons que ce ralentissement est temporaire, sauf en cas de guerre commerciale majeure.
En effet, les marchés prévoient désormais trois baisses des taux d’intérêt de la Réserve fédérale (Fed) cette année et une autre en 2026, contre une seule attendue en 2025 en janvier dernier. Les rendements obligataires américains ont consciencieusement suivi les anticipations de baisse des taux de la Fed, bien que l’inflation ne montre aucun signe tangible de ralentissement par rapport à l’objectif de la Fed et que les anticipations d’inflation des ménages aient augmenté avant et après les annonces relatives aux droits de douane. Compte tenu des nouvelles inquiétudes concernant la solidité de l’économie, la Fed est de retour sur le devant de la scène, ce que nous n’aurions pas imaginé en début d’année. Cela dit, étant donné les perspectives d’inflation toujours négatives et les droits de douane susceptibles d’aggraver les performances de l’économie à court terme, la Fed ne devrait agir que si elle perçoit une menace pour la croissance et l’emploi. Si le taux de chômage augmente à nouveau, au-delà du niveau indésirable de 4,4 % précédemment annoncé par la Fed, celle-ci devrait réduire ses taux. Nous doutons que la Fed ait besoin de baisser ses taux trois fois en 2025, mais à la lumière du caractère inhabituel de la situation économique et des perspectives de politique monétaire, nous ne pouvons pas écarter la possibilité d’une baisse des taux plus tôt que prévu. La forte surperformance des obligations en dollars américains en 2025 reflète les craintes du marché que les politiques de Donald Trump ne détruisent la croissance au lieu de la renforcer, du moins pour l’instant, et que les « mauvaises » politiques interviennent avant les « bonnes », comme une plus grande déréglementation et des réductions d’impôts. Est-il possible que Donald Trump mette en avant les « mauvaises » politiques de croissance, pour faire face aux difficultés dès le départ et préparer le terrain pour une forte reprise de l’économie en 2026/2027 ?
Dans le même ordre d’idées, nous avons à l’inverse constaté un renversement de tendance pour les obligations hors des États-Unis qui ont sous-performé les bons du Trésor américain. Les attentes en matière de croissance et de politique budgétaire, en particulier en Europe, se sont inversées par rapport aux États-Unis. La pression exercée sur l’Europe par une croissance inférieure à la moyenne, et plus particulièrement la menace que Donald Trump puisse se retirer des accords de sécurité ont forcé un changement sans précédent. Le programme politique de l’Europe, qui était encore très différent il y a seulement un mois ou deux, devrait désormais se traduire par une politique budgétaire beaucoup plus souple et une politique monétaire probablement plus stricte (ou du moins, moins accommodante). La possibilité d’une paix ou d’un cessez-le-feu entre l’Ukraine et la Russie a également renforcé l’optimisme quant à la santé de l’économie, dans la mesure où la reconstruction de l’Ukraine et le rapprochement avec la Russie seraient perçus comme bénéfiques, du moins jusqu'à un certain point. Cela signifie que la prime accordée aux performances économiques exceptionnelles des États-Unis s’amenuise des deux côtés de l’Atlantique. Les perspectives pour les obligations européennes sont donc plus incertaines, sachant que les marchés obligataires vont devoir absorber des centaines de milliards, voire des milliers de milliards de dettes supplémentaires. Les détails de la politique budgétaire européenne, et surtout des politiques douanières américaines et de l’ampleur des représailles qu’elles provoqueront, ne seront pas connus avant plusieurs mois. Il est possible que Donald Trump fasse marche arrière et relâche la pression si les conséquences sont jugées trop importantes. Mais ce virage historique vers l’autodéfense européenne et ses implications ressemble à un train qu’on ne peut plus arrêter.
Compte tenu des incertitudes entourant ces politiques et objectifs sans précédent, il est difficile d’en prévoir les répercussions à court terme. Les allers-retours des politiques de l’administration Trump combinés aux objectifs de la Fed, semblent générer un résultat quelque peu stagflationniste, dont les implications sur les rendements sont ambiguës. Le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans, proche de 4 %, semble un peu trop faible. En effet, aucune preuve irrévocable d’un ralentissement suffisamment important pour entraîner de multiples baisses des taux de la Fed n’est encore évidente. Le marché du travail, et en particulier les demandes d’allocations chômage, sera l’indicateur clé. Tout signe de frilosité chez les consommateurs, confrontés à ce contexte incertain, compromettra les perspectives d’une économie « Goldilocks ». De même, l’importante sous-performance des obligations européennes cette année semble un peu prématurée compte tenu des informations disponibles et de la volatilité probable des politiques de l’administration Trump au fil du temps. Mais si les tendances récentes se poursuivent, leur direction semble claire, à savoir : la volonté des États-Unis de créer un monde multipolaire où l’Europe serait responsable de sa propre défense ; une politique budgétaire mondiale plus souple ; un système commercial mondial remanié, les États-Unis étant moins disposés à être le consommateur de dernier recours et prêts à utiliser les droits de douane comme outil pour y parvenir ; des chaînes d’approvisionnement mondiales réorganisées ; et une inflation plus élevée que pendant les années précédant la pandémie, en raison de la mise en œuvre de politiques populistes dans le monde entier. Et, comme prévu, les risques d’exécution et les éventuelles répercussions de ces transitions risquent d’être élevés, ce qui générera une volatilité plus importante que d’habitude du cycle économique.
Les marchés de crédit n’aiment pas l’incertitude, ni les marchés actions moroses ou volatils. Les spreads de crédit américains se sont creusés suite à l’offensive tarifaire. À moins d’une sous-performance économique plus importante, nous n’envisageons pas que les spreads s’élargissent de manière significative, mais ils ne devraient pas retrouver leur équilibre tant que les perspectives macroéconomiques ne seront pas plus claires. Paradoxalement, les politiques de Donald Trump semblent avoir eu un impact positif sur les marchés actions européens/non américains, tout en pénalisant les actions américaines, en raison de leur impact sur les politiques budgétaires et commerciales de chaque pays. Ce changement a permis aux obligations Investment Grade européennes de mieux résister à la tempête que les obligations Investment Grade américaines. Nous privilégions les obligations Investment Grade européennes par rapport aux obligations américaines, et les événements récents ne modifient en rien cette préférence. Cela dit, la récente surperformance du crédit en euros a été importante, et il nous semble risqué de poursuivre dans cette voie compte tenu de la récente volatilité des marchés et de leur tendance à revenir à la moyenne, c’est-à-dire à surréagir puis à corriger. Dans ce contexte, il convient d’être très sélectif et de gérer activement les notations, les expositions aux pays et aux secteurs afin d’atténuer les inévitables problèmes susceptibles de survenir au cours des 12 prochains mois. Nous nous efforçons d’éviter les entreprises et les secteurs à risque en raison de sous-performances individuelles, de problématiques à long terme ou d’une agressivité accrue de la part des équipes de direction. Parallèlement, nous cherchons à accroître le rendement du portefeuille autant que possible, mais sans sacrifier la performance provenant de pertes de crédit ou d’un élargissement des spreads. Nous continuons d’identifier de meilleures opportunités dans les obligations libellées en euros de sociétés américaines et de banques européennes, bien que nous ayons réduit de manière sélective notre exposition globale aux obligations Investment Grade.
Les crédits titrisés et les MBS (mortgage-backed securities) d’agences américaines ont été moins affectés par la récente volatilité que d’autres secteurs et restent notre surpondération favorite. Mais même sur ce segment, les solides performances observées récemment en diminuent l’attrait relatif et absolu. Le récent rallye des rendements a affaibli l’intérêt des obligations, et la surperformance relative de ce secteur par rapport à la dette d’entreprise a légèrement réduit sa valeur relative. Cela dit, le crédit titrisé n’est pas confronté aux mêmes problèmes que le secteur des obligations d’entreprises américaines en cette période d’incertitude économique accrue. Les nouvelles émissions sont souvent sursouscrites plusieurs fois, ce qui rend difficile l’accumulation de positions importantes. Face au bruit de marché et aux incertitudes actuelles, nous pensons que ce segment a toutes les chances d’enregistrer des performances solides. Concernant les émissions d’agences, les titres à coupon élevé restent plus attractifs que les obligations d’entreprises Investment Grade et les autres structures de coupon d’agence, et ils devraient selon nous surperformer les bons du Trésor américain. Plus récemment, au vu de la baisse des taux d’intérêt américains, les titres hypothécaires européens offrent désormais une meilleure valeur relative. La sélectivité reste le maître-mot.
Paradoxalement, le dollar américain s’est affaibli sur les marchés des changes. Les droits de douane imposés par les États-Unis étaient censés être positifs pour le dollar, car ils devaient encourager les autres pays à laisser leur monnaie se déprécier pour en compenser les effets. C’est plutôt l’inverse qui s’est produit. Des pays comme la Chine campent sur leurs positions et ont résisté à la dépréciation de leur monnaie, misant sur la politique budgétaire pour compenser les effets des droits de douane, tandis que l’Europe, contrairement à ce que certains prédisaient, a annoncé des plans d’expansion budgétaire sans précédent. Ces choix politiques ont, du moins pour l’instant, affaibli le dollar, alors que la politique américaine semble aller dans la direction opposée, c’est-à-dire une politique budgétaire plus restrictive et une politique monétaire plus souple. On ne sait pas combien de temps cela va durer, car cela va dépendre de la mise en œuvre de ces politiques dans le monde.
Taux et devises des marchés développés
Analyse mensuelle
Les taux d’intérêt des marchés développés ont continué de baisser en février, prolongeant ainsi le rebond des marchés obligataires de janvier. La courbe des taux américaine s’est aplatie au cours de la première moitié du mois en raison de la compression des primes de terme, avant de se repentifier à nouveau dans la seconde moitié lorsque les marchés ont commencé à intégrer de nouvelles baisses de la part de la Fed. Les bons du Trésor américain ont également bénéficié de la mauvaise performance des actifs risqués en fin de mois et de données économiques plus faibles que prévu. En effet, les marchés ont tenu compte de l’impact des nouvelles politiques sur le commerce, la consommation et la croissance de l’emploi aux États-Unis. Diverses enquêtes américaines ont révélé des signes d’une hausse des anticipations d’inflation et d’une confiance des consommateurs plus mitigée. En janvier, l’IPC a augmenté plus que prévu et les ventes au détail ont été nettement plus faibles.
Dans la zone euro, les Bunds allemands ont sous-performé les bons du Trésor américain. Plusieurs autres facteurs ont également pesé sur la performance des Bunds, notamment la communication offensive des responsables de la BCE sur l’inflation, des données économiques meilleures que prévu et les anticipations d’une augmentation des dépenses budgétaires, en particulier dans le domaine de la défense. La CDU/CSU, parti conservateur, est arrivée en tête des élections législatives allemandes avec 28,6 % des voix et devrait former une « grande coalition » avec le SPD et d’autres partis centristes ; le nouveau gouvernement, une fois formé, devrait mener une politique budgétaire plus expansionniste, mais aura besoin de l’aide des petits partis pour modifier la constitution allemande afin d’autoriser des déficits budgétaires plus importants. La courbe des taux du Bund s’est repentifiée, contrairement à la courbe américaine, à mesure que le marché réévaluait les perspectives budgétaires allemandes.
Sur les marchés des changes, le dollar s’est affaibli en raison de la réduction des différentiels de taux, de données économiques plus mauvaises qu’ailleurs, de la faible performance du marché actions américain et d’une réévaluation des politiques douanières agressives. Le yen s’est renforcé à mesure que les rendements chutaient, tandis que l’euro a bénéficié de prévisions plus modérées en matière de droits de douane et d’une surperformance des actions. Les devises cycliques comme le dollar australien et le dollar néo-zélandais ont sous-performé.
Perspectives
Nous sommes neutres en matière de duration dans les pays développés, à l’exception du Japon, et conservons des positions en anticipation d’une repentification des courbes de taux. Sur l’ensemble des marchés, nous continuons de surpondérer la duration en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni par rapport aux États-Unis et à l’Australie, dans la mesure où nous pensons que les banques centrales des premiers ont une marge de manœuvre pour baisser leurs taux plus importante que ce qui est actuellement attendu. Nous avons récemment réduit la taille de notre position courte sur la duration japonaise, compte tenu de la sensibilité de la Banque du Japon à l’activité économique américaine et aux incertitudes mondiales, bien que nous restions acheteurs de points morts d’inflation japonais, en raison de la forte croissance des salaires et de la hausse continue des prix. Nous continuons de privilégier le dollar australien et le dollar américain par rapport au dollar canadien, et conservons une opinion positive à l’égard du yen par rapport à l’euro. Nous avons renforcé notre position longue sur le yen face à diverses devises, dont le won coréen, le baht thaïlandais et la couronne suédoise.
Taux et devises des marchés émergents
Analyse mensuelle
La dette émergente a confirmé ses bons débuts de 2025, avec une performance positive pour tous les principaux segments de la classe d’actifs au cours du mois. Les devises émergentes se sont globalement redressées, en raison de l’affaiblissement du dollar américain pendant la majeure partie de la période, dû en partie à une baisse de confiance des consommateurs et à l’instabilité de la politique étrangère américaine. Les spreads se sont légèrement élargis tant pour les obligations souveraines que pour les obligations d’entreprises, mais les deux secteurs ont bénéficié de la baisse des taux des bons du Trésor américain. En début de mois, Donald Trump a imposé des droits de douane de 10 % sur les importations chinoises, et la Chine a immédiatement réagi en imposant des droits de douane en retour. Les droits de douane de 25 % pour le Canada et le Mexique ont été reportés à la suite des mesures prises par les deux pays pour répondre aux problèmes aux frontières. Cependant, à la fin du mois, il semblait probable que cet ajournement prendrait bientôt fin. La Russie, les États-Unis et l’Ukraine ont entamé des discussions et des négociations pour mettre fin à la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Malgré quelques avancées prometteuses, les tensions entre les parties se sont intensifiées et aucun accord de paix n’a été conclu. Les flux ont été mitigés au cours du mois, les fonds en devises locales ayant continué à enregistrer des sorties, mais les investisseurs ont commencé à se réintéresser aux actifs en devises fortes et ces fonds ont enregistré des entrées au cours du mois.
Perspectives
La dette émergente a confirmé ses bonnes performances de 2025, malgré la volatilité macroéconomique, l’incertitude de la politique étrangère américaine et les tensions géopolitiques liées aux guerres toujours en cours. Cette classe d’actifs a été soutenue par un affaiblissement du dollar américain et une baisse des taux des bons du Trésor américain. Alors que la politique étrangère américaine et les droits de douane touchent de plus en plus de régions, nous surveillons constamment leurs éventuels impacts au niveau de chaque pays, tout en continuant à accorder la priorité aux fondamentaux. Contrairement à la BCE qui a baissé ses taux fin janvier, la Fed américaine a adopté une position moins accommodante et va attendre de voir si l’inflation commence à repartir à la hausse. Les banques centrales des pays émergents pourraient réduire leurs taux de manière plus sélective, mais les différentiels de rendement réel entre les marchés émergents et développés restent intéressants. Il sera essentiel de continuer à prospecter l’ensemble de l’univers d’investissement pour trouver des opportunités afin de faire face aux effets de contagion de la politique étrangère américaine.
Obligations d’entreprises
Analyse mensuelle
Les spreads de l’Investment Grade européen ont surperformé l’Investment Grade américain en février, alors que le marché assimilait les nouvelles concernant le cessez-le-feu entre la Russie et l’Ukraine, les droits de douane américains et les élections allemandes. La volatilité a été contenue par de solides facteurs techniques, notamment des entrées de capitaux considérables dans le crédit Investment Grade et un volume d’émissions primaires gérable. Les banques centrales ont joué un rôle important, comme en témoignent le procès-verbal de la BCE qui suggère la prudence en matière de baisse des taux, la baisse de 25 pb des taux de la Banque d’Angleterre et un débat au sein de la Fed sur la suspension du resserrement quantitatif. Les données économiques ont été mitigées, avec de solides données manufacturières aux États-Unis et une amélioration du climat de confiance en Allemagne, tandis que l’inflation dans la zone euro a légèrement augmenté en raison de la hausse des prix de l’énergie. Sur le plan politique, la CDU/CSU a remporté les élections allemandes et l’incertitude sur les droits de douane reste de mise à l’approche des dates clés de mars. Les bénéfices des entreprises ont été conformes ou supérieurs aux attentes, soutenus par des facteurs techniques solides et un endettement stable, tandis que l’activité de M&A a été peu soutenue, mais a été marquée par plusieurs rumeurs de désinvestissement et de scission. Enfin, le marché a été soutenu par des facteurs techniques solides et le resserrement des spreads de swaps.
Les performances des marchés américains et mondiaux du High Yield sont restées positives en février, dans un contexte marqué par un élargissement significatif des spreads qui a été plus que compensé par la forte baisse des rendements des bons du Trésor américain. Pour la première fois depuis des mois, le segment CCC a sous-performé, car les valorisations relatives des crédits moins bien notés se sont élargies et la dispersion sur le marché du High Yield a diminué. Les conditions techniques du marché du High Yield sont restées solides en février, avec une baisse des émissions brutes d’un mois sur l’autre et une collecte nette pour les fonds High Yield américains destinés aux particuliers. Enfin, les défauts et les échanges de titres en difficulté sur le segment du crédit à effet de levier ont atteint en février leur plus bas niveau depuis deux ans.
Les obligations convertibles mondiales se sont bien comportées malgré la faible performance des États-Unis, qui sont la région la plus importante de la classe d’actifs. Dans l’ensemble, les données macroéconomiques américaines sont ressorties en baisse, la perspective de droits de douane ayant pesé sur les prévisions de croissance ainsi que sur la confiance et les dépenses des consommateurs, tandis que les données relatives au marché du travail ont été globalement plus moroses. Les obligations convertibles mondiales ont aussi été affectées par la chute du bitcoin au cours du mois, dans la mesure où les émetteurs liés aux cryptomonnaies ont gagné en importance dans cette classe d’actifs au cours des derniers mois. Cette performance négative a toutefois été compensée par les bonnes performances enregistrées en Asie et en Europe. En fin de compte, les obligations convertibles mondiales ont surperformé les actions mondiales, mais ont été à la traîne des obligations mondiales au cours du mois. Après un début d’année en demi-teinte, les nouvelles émissions se sont légèrement améliorées au cours du mois, la grande majorité d’entre elles ayant été réalisées aux États-Unis. Au total, 6,3 milliards de dollars ont été émis au cours du mois, ce qui porte le total des émissions depuis le début de l’année à 9,5 milliards de dollars.1
Perspectives
Notre scénario central reste optimiste vis-à-vis du crédit et repose sur l’anticipation d’un atterrissage en douceur (« soft-landing »), des politiques budgétaires au service de la croissance, de l’emploi et de la consommation, et des fondamentaux d’entreprise solides, soutenus par des stratégies assez prudentes. Le niveau gérable des émissions nettes et la quête effrénée de « rendement global » sur le segment du crédit IG devraient imprimer une dynamique technique positive. Au vu des spreads de crédit, le marché semble offrir un potentiel de valorisation, mais le portage est bel et bien le principal moteur de performance, avec des gains potentiels supplémentaires grâce à l’allocation sectorielle et, de plus en plus, à la sélection de titres. Toutefois, compte tenu des incertitudes à moyen terme, nous ne parions pas sur un resserrement important des spreads.
Nous avons une vision relativement équilibrée du marché du High Yield pour le premier trimestre 2025. Au-delà des épisodes de volatilité que nous anticipons, nous avons conscience que les rendements restent attractifs d’un point de vue historique. Néanmoins, compte tenu des spreads, les valorisations du marché du High Yield sont élevées et la classe d’actifs n’a pas le droit à l’erreur, et ce, malgré le récent élargissement des spreads. Notre conclusion est le fruit d’une analyse approfondie de plusieurs facteurs : l’évolution des politiques monétaires mondiales, de la politique commerciale, de la croissance économique américaine et mondiale, de la santé de la consommation, des fondamentaux des émetteurs High Yield, des facteurs techniques et des valorisations. Nous pensons qu’en moyenne le rendement rémunère correctement le risque de crédit sous-jacent, mais qu’une exposition aux titres de moins bonne qualité ne sera pas correctement récompensée.
Nous restons optimistes à l’égard du marché mondial des obligations convertibles en ce début de mois de mars. Les facteurs techniques sont solides. En effet, les obligations convertibles ont conservé un profil équilibré, les taux d’intérêt restent relativement élevés, les valorisations des actions ont augmenté en 2024 et les entreprises ont toujours autant de besoins de financement. Après une année 2024 prolifique en matière de nouvelles émissions d’obligations convertibles, nous pensons que cette tendance va se poursuivre dans le sillage des baisses de taux des banques centrales et sous l’effet de l’arrivée à maturité des obligations émises pendant la crise sanitaire. Enfin, nous anticipons une hausse de la volatilité cette année avec des tensions géopolitiques et régionales persistantes, alors que les marchés cherchent à décrypter les politiques de l’administration américaine.
Titrisation
Analyse mensuelle
En février, les spreads des MBS d’agences américaines se sont resserrés de 6 pb et se situent désormais à +132 pb par rapport aux bons du Trésor US. Malgré la récente volatilité observée dans tous les secteurs, les MBS d’agences continuent d’être l’un des rares segments du marché obligataire à afficher des valorisations attrayantes. Les avoirs en MBS de la Fed ont diminué de 14,2 milliards de dollars en février, à 2 195 milliards de dollars. Ils ont diminué de 500,7 milliards de dollars par rapport à leur pic de 2022. Les banques américaines ont enregistré une légère baisse de leurs actifs en février, à 2 663 milliards de dollars ; les avoirs en MBS des banques sont toujours en baisse de 329 milliards de dollars depuis le début de l’année 2022. Les spreads du crédit titrisé ont continué de se resserrer en février ; et ce, même avec les niveaux élevés de l’offre.2 Toutefois, les spreads des obligations d’entreprises IG américaines se sont élargis en février, alors qu’ils étaient proches de leurs plus bas niveaux historiques en janvier. Après un mois de janvier chargé, les émissions de février se sont avérées presque aussi importantes ; cette offre a été bien absorbée et a rencontré une très forte demande.
Perspectives :
Selon nous, les spreads des MBS américains continueront de se resserrer en raison des entrées continues d’investisseurs en valeur relative et de banques. Ces entrées seront probablement motivées par le profil de performance attractif de ce secteur par rapport aux autres secteurs obligataires de base. Nous nous attendons à ce que les spreads du crédit titrisé tendent vers leurs points bas, car ils se négocient actuellement à des niveaux proches des spreads des MBS d’agences. Les secteurs du crédit titrisé ont fait partie des secteurs les plus performants en 2024 et en janvier 2025, mais ont sous-performé en février en raison de leur profil de duration plus faible et de la baisse notable des taux. Les performances viendront essentiellement du portage des flux de trésorerie dans les mois à venir, en raison du niveau attractif des rendements en ce début de mois de mars. Nous continuons de penser que les niveaux actuels des taux d’intérêt demeurent éprouvants pour de nombreux emprunteurs et vont continuer de pénaliser les bilans des ménages, ce qui engendrera des tensions sur certains ABS du secteur de la consommation, notamment ceux impliquant des emprunteurs à faible revenu. L’immobilier commercial reste également confronté à des difficultés en raison des taux de financement actuels. Le crédit hypothécaire résidentiel demeure notre secteur de prédilection à l’heure actuelle et c’est le seul secteur où nous n’hésitons pas à investir dans l’ensemble du spectre du crédit, tandis que nous restons plus prudents vis-à-vis des ABS et des CMBS moins bien notés. Nous restons optimistes quant aux valorisations des MBS d’agences, qui restent attractives par rapport aux spreads des obligations d’entreprises investment grade et aux niveaux historiques des spreads des MBS d’agences.